Décryptage de quelques affirmations

De nombreuses affirmations concernant le dépistage, bien que semblant évidentes, sont en fait tendancieuses ou fallacieuses, y compris sur des sites officiels.
Cette page en reprend quelques unes pour montrer en quoi elles sont tendancieuses ou fallacieuses.



Le dépistage vous a sauvé la vie !

Nombre de femmes, chez lesquelles le dépistage a découvert un cancer du sein et qui ont survécu à ce cancer, se sont entendues dire par leur médecin qu'elles doivent la vie au dépistage. Cette affirmation est clairement fallacieuse.

Derrière un cancer dépisté qui ne conduit pas au décès, peuvent se cacher 3 scénarios :
1. le dépistage a effectivement sauvé la vie de la personne, en permettant une prise en charge plus précoce du cancer,
2. le dépistage n'a rien changé car la personne aurait de toute façon survécu à son cancer,
3. le dépistage a conduit à un stress et des traitements inutiles car le cancer correspondait à un surdiagnostic.
Affirmer que le dépistage a sauvé la vie, c'est ne prendre en compte que le 1er scénario et ignorer les 2 autres.
Pourtant, personne, pas même le plus brillant des médecins, ne peut savoir lequel des 3 scénarios est le bon ! On peut juste mettre des probabilités derrière chaque scénario.

En admettant les chiffres officiels, 20% de réduction de la mortalité grâce au dépistage et 15% de surdiagnostics parmi les cancers trouvés au dépistage,
- sans dépistage, pour 1 000 femmes, 76 cancers seront diagnostiqués entre 50 et 74 ans, conduisant à 25 décès et 51 survies
- avec dépistage, pour 1 000 femmes, 90 cancers seront diagnostiqués entre 50 et 74 ans, conduisant à 20 décès et 70 survies
(les explications sur les chiffres ci-dessus sont accessibles en cliquant ici)
Les probabilités sont donc les suivantes :
- scénario 1, vie sauvée par le dépistage : (25 - 20)/70 = 7 chances sur 100
- scénario 2, survie même sans dépistage : 51/70 = 73 chances sur 100
- scénario 3, surdiagnostic : (90 - 76)/70 = 20 chances sur 100

Non seulement l'affirmation "le dépistage vous a sauvé la vie" ignore 2 des 3 scénarios possibles, mais en plus elle privilégie le scénario le moins probable !
L'hypothèse de loin la plus probable est que la personne aurait survécu même sans dépistage. Vient ensuite l'hypothèse qu'elle ait été victime d'un surdiagnostic. La survie grâce au dépistage est de loin l'hypothèse la moins probable.

Retour en haut de page


La détection précoce par le dépistage permet à 99 femmes sur 100 d'être en vie 5 ans après le diagnostic.

L'image ci-contre est un extrait du « Livret d'information sur le dépistage du cancer du sein » édité par l'INCa (Institut National du Cancer)
(téléchargeable à l'adresse https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Livret-d-informations-pratiques-sur-le-depistage-des-cancers-du-sein)
On y explique que 99% des femmes, chez lesquelles un cancer du sein a été détecté par le dépistage, sont en vie 5 ans après la découverte du cancer.
En l'absence de références permettant de savoir d'où vient ce chiffre de 99%, il est difficile de se prononcer sur son exactitude. En revanche, vraie ou fausse, un décryptage de cette affirmation est nécessaire.

Tout d'abord, il faut rappeler qu'être en vie à 5 ans ne signifie pas être guérie et que la mortalité durant les 5 premières années n'est qu'une partie de la mortalité par cancer.
Ainsi, pour les cancers du sein diagnostiqués en 2010, la survie à 5 ans est de 89% mais elle n'est plus que de 82% à 10 ans 1. Autrement dit, pour 100 cancers du sein, il y a eu 11 décès durant les 5 premières années (100 - 89) et 18 décès durant les 10 premières années (100 - 82). Donc : 11 décès durant les 5 premières années et encore 7 décès supplémentaires entre la 5ème et la 10ème année (et sans doute encore quelques décès au delà de la 10ème année).

Par ailleurs, ce chiffre de 99% de survie ne s'applique qu'aux cancers découverts lors du dépistage. Or, chez les femmes qui participent au dépistage sur invitation, tous les cancers du sein ne sont pas retrouvés à l'occasion du dépistage. Il y a aussi les cancers dits de l'intervalle, qui ont échappé au dépistage parce qu'ils se sont développés, très rapidement, entre 2 mammographies de dépistage. Et ces cancers de l'intervalle, du fait de leur évolution très rapide, ont un pronostic plus sombre que les cancers retrouvés par le dépistage.

Pour ces 2 raisons, signification limitée de la survie à 5 ans et absence de prise en compte des cancers de l'intervalle, le chiffre impressionnant de 99% de survie à 5 ans ne signifie en fait pas grand-chose. En particulier, il ne permet pas de conclure que le dépistage du cancer du sein protège presque complètement contre le risque de décéder d'un cancer du sein.

Il n'est pas non plus possible de conclure à partir des 99% de survie à 5 ans que le dépistage est très efficace. Pour se prononcer sur l'efficacité du dépistage, il faudrait disposer aussi de la survie à 5 ans en l'absence de dépistage. Si, par exemple, la survie à 5 ans sans dépistage était de 98.75%, il y aurait certes un gain de survie avec le dépistage mais très modeste.
Remarque : 98.75% n'est pas choisi au hasard. Cela correspond à une réduction de la mortalité de 20% :
99% de survie équivaut à 1 décès pour 100 cancers. Une réduction de 20% des décès grâce au dépistage signifie qu'il y aurait 1.25 décès sans dépistage (passer de 1.25 à 1 représente une diminution de 0.25, soit une réduction de 20% puisque 0.25 = 20% de 1.25). Et s'il y a 1.25 décès, cela signifie qu'il y a 100 - 1.25 = 98.75% de survie.

L'affirmation « La détection précoce par le dépistage permet à 99 femmes sur 100 d'être en vie 5 ans après le diagnostic » est très allèchante mais en réalité elle ne signifie pas grand-chose.
- La survie à 5 ans n'a qu'un intérêt limité puisque près de la moitié des décès se produiront après 5 ans.
- Ce chiffre de 99% de survie à 5 ans est biaisé puisqu'il ne prend en compte que les cancers retrouvés par le dépistage et ignore les cancers de l'intervalle.
- Sans comparaison avec la survie en l'absence de dépistage, ces 99% de survie à 5 ans ne nous apprennent rien sur l'efficacité du dépistage.

Références
1. Institut national du cancer. (2020) Survie des personnes atteintes de cancer en France métropolitaine 1989-2018 - Sein. téléchargeable en cliquant ici

Retour en haut de page


Dernière mise à jour le 28/11/2023